lundi 30 juin 2014

[biblio.] Doctrine : R. Mignot-Mahdavi, "La notion de peine en droit international pénal éclairée par la CPI (CPI,23 mai 2014, Le Procureur c. Germain Katanga)" ; ADL, juin 2014

R. Mignot-Mahdavi, "La notion de peine en droit international pénal éclairée par la CPI (CPI,23 mai 2014, Le Procureur c. Germain Katanga)" ; ADL, juin 2014

La décision commentée concerne une condamnation à 12 ans d'emprisonnement.

[biblio.] Publication du Manuel de droit européen en matière d'asile, de frontières et d'immigration de l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, éd. 2014

V. notamment, le chapitre 6, sur "La détention et les restrictions à la libre circulation"

[veille] La "suspension de l'accès aux activités" en cellule disciplinaire ne porte pas "une atteinte excessive au droit [des détenus] de pratiquer leur religion" [CE, 11 juin 2014, n° 365237 : Rec. CE., T.]

V. sur l'arrêt signalé les observations de M. Touzeil-Divina, au JCP A, 2014, actu. n° 505 ou ici.

[veille] Détermination du point de départ du délai dans lequel la juridiction doit statuer en cas de demande de remise en liberté [Cass. crim., 3 juin 2014, n° 14-82.042 : publié au Bulletin]

Cass. crim., 3 juin 2014, n° 14-82.042 : publié au Bulletin

[...]

"Lorsque la déclaration prévue par l'article 148-6, alinéa 3, du code de procédure pénale n'a pas été adressée directement au greffier de la juridiction compétente pour statuer sur la demande de mise en liberté, le délai imparti à ladite juridiction pour se prononcer ne court qu'à compter du lendemain du jour où le greffier a attesté avoir reçu la déclaration, la chambre de l'instruction a justifié sa décision".

[...]

V. sur l'arrêt signalé les observations de S. ANANE, D., actu.

vendredi 27 juin 2014

[veille] Avis de la COMMISSION NATIONALE CONSULTATIVE DES DROITS DE L’HOMME du 26 juin 2014 sur la situation des mineurs isolés étrangers présents sur le territoire national. Etat des lieux un an après la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers

http://infomie.net/IMG/pdf/avis_cncdh_-_26_juin_2014.pdf

[chron.] Premier bilan jurisprudentiel du contrôle judiciaire de la retenue pour vérification du droit au séjour : la conservation par l'autorité de police d'une large marge de manœuvre

La retenue pour vérification du droit au séjour, créée à l'article L. 6111-1-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par la loi n° 2012 1560 du 31 déc. 2012 relative à la retenue pour vérification du droit au séjour et modifiant le délit d'aide au séjour irrégulier pour en exclure les actions humanitaires et désintéressées [J. O., 1er janv. 2013, p. 48 ; AJP, 2013, p. 8, comm. R. PARIZOT ; RSC, 2013, p. 421, note N. CATELAN ; Gaz. Pal., 12 mars 2013, comm. L. ROBERT et P. GAGNOUD ; JCP, 2013, n° 74, obs. N. GUIMEZANES ; Procédures, 2013, comm. n° 52, obs. J. BUISSON ; Dr. admin., 2013, comm. n° 23, note V. TCHEN], est devenue la principale voie d'entrée en privation de liberté de l'étranger en situation irrégulière dans l'attente de son éloignement.

[veille] Justification du dépassement du délai pour statuer sur une demande de remise en liberté "[entachée] de mentions erronées, de nature à rendre incertaine la désignation de la juridiction compétente" [Cass. crim., 12 juin 2014, n° 14-82.233 : à paraître au Builletin]

Sur l'arrêt signalé, v. D., actu., obs. S. Fucini

jeudi 26 juin 2014

[obs.] Rappel des conditions de conventionnalité de la détention de la personne "contre laquelle une procédure d’expulsion [...] est en cours" [CEDH, sect. I, 26 juin 2014, EGAMBERDIYEV contre Russie, req. n° 34742/13, en angl.]

La Cour européenne des droits de l'Homme, au regard du but de l'article 5, la lutte contre l'arbitraire, et au moyen d'une interprétation téléologique visant à assurer son efficience, fixe ses propres conditions de conventionnalité des différents cas de privation de liberté figurant dans la liste de l'article 5 § 1er), au-delà du contrôle du respect du droit interne ou des conditions fixées expressément par le texte de la Convention.

L'arrêt ici signalé fait preuve de pédagogie en reprenant précisément ces conditions, concernant la détention de l'étranger contre lequel "une procédure d'expulsion [...] est en cours" : la privation de liberté doit être effectuée de "bonne foi", elle doit avoir pour finalité constante l'exécution de la procédure d'expulsion, le lieu et les conditions de détention doivent être appropriés, et sa durée ne doit pas excéder "le délai raisonnable nécessaire pour atteindre le but poursuivi" [§ 59].

La violation de la Convention ne faisait guère de doute en l'espèce au regard des sanctions précédentes de la législation russe, en la matière, par la Cour européenne des droits de l'Homme, notamment au regard de la qualité de la loi ou du contrôle judiciaire de la détention [§ 62].

L'intérêt de l'arrêt, à relativiser sans doute par les violations précédentes relevées contre la législation russe, est de censurer abstraitement la durée maximale de la détention dans l'attente de l'expulsion prévue par la législation interne, en l'espèce de deux ans, au regard des défauts de la loi précédemment sanctionnés, quant à l'organisation du contrôle judiciaire ou quant à sa qualité [§ 62 et s.], mais aussi de la disproportion entre la durée maximale "préventive" permise pour réaliser l'expulsion de l'étranger en situation irrégulière, et la peine privative de liberté encourue pour sanctionner cette même situation, qualifiée par le droit russe d'"infraction administrative", d'une durée maximale de 30 jours [§ 63].


[obs.] Le lieu de la privation de liberté doit être adapté à sa durée [CEDH, sect. I, 26 juin 2014, DE LOS SANTOS ET DE LA CRUZ c. Grèce, req. nos 2134/12 et 2161/12]

L'article 3 de Convention européenne des droits de l'Homme permet de sanctionner les conditions matérielles de détention indignes, soit du fait de la surpopulation, soit du fait de la vétusté et de l'insalubrité de la cellule, pour les hypothèses les plus communes.

La sanction des conditions matérielles de détention peut également résulter de l'inadaptation du lieu de privation de liberté à la détention de longue durée [en l'espèce, il s'agissait de la détention d'étrangers en attente de leur expulsion dans un commissariat de police pendant 42 et 49 jours, pratique couramment sanctionnée par la Cour européenne des droits de l'Homme concernant la Grèce ; § 44] de par son défaut d'infrastructures permettant aux personnes privées de liberté de se promener [en l'espèce, les étrangers pouvaient uniquement marcher dans un petit couloir ; § 44], de bénéficier d'"activités récréatives" [§ 40] et de disposer d'une alimentation satisfaisante [en l'espèce, les étrangers devaient se nourrir pour 5,87 euros par jour § 44].

Si en l'espèce la violation des conditions de détention résultait, en plus de l'inadaptation des lieux, des autres défauts classiquement sanctionnés en la matière [la Cour notait que "les requérantes étaient placées dans une cellule où la superficie était inférieure à 3 m² par personne, où la majorité des détenues dormaient sur des matelas posés par terre et avec un accès médiocre à la lumière" ; § 44], la seule inadaptation du lieu à la longue privation de liberté apparaît, à la lecture de l'arrêt, susceptible de violer la Convention, dès que ce traitement s'applique pendant plus de deux ou trois mois [§ 43].

[biblio.] Le Guide de l'article 5, édité par le Conseil de l'Europe, à jour jusqu'en juin 2012

http://www.echr.coe.int/Documents/Guide_Art_5_FRA.pdf

[text.] Décret n° 2014-676 du 24 juin 2014 relatif à l'accès des associations humanitaires aux lieux de rétention

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=?cidTexte=JORFTEXT000029136361&dateTexte=&oldAction=dernierJO&categorieLien=id

[obs.] Définition de la privation de liberté et champ d'application de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'Homme [CEDH, sect. I, 26 juin 2014, KRUPKO et autres c. Russie, req. n° 26587/07, en angl.]

Pour que la protection de l'article 5 de la Convention européenne s'applique, la mesure critiquée doit être qualifiée de privation de liberté, la simple restriction à la liberté d'aller et venir relevant de l'article 2 du Protocole n° 4.

La question de la qualification était posée dans l'arrêt rapporté, concernant l'irruption de forces de police lors d'un rassemblement de témoins de Jéovah, duquel plusieurs individus étaient retirés, puis conduits au poste de police, où ils restèrent trois heures.

mercredi 25 juin 2014

[veille] Imputation de la détention provisoire sur la période de sûreté lors de l'exécution de la peine [Cass. crim., 25 juin 2014, n° 14-81.793]

Attendu que la période de sûreté prévue par ce texte n’étant qu’une modalité d’exécution de la peine privative de liberté qu’elle assortit, court à compter de la mise à exécution de celle-ci ; que si la condamnation qui l’emporte ou la prononce a été précédée d’une détention provisoire, l’entier temps de celle-ci doit s’imputer sur la durée de la période de sûreté, sans qu’il y ait lieu de tenir compte, pour diminuer d’autant cette durée, du temps pendant lequel ont été simultanément exécutées une ou plusieurs condamnations à des peines non assorties d’une période de sûreté ;"


V. les observations de M. Léna, D., actu.

[obs.] Droits de l'aliéné dangereux arrêté dans le cadre des mesures provisoires : point de départ du délai de "l'intervention" du juge judiciaire et théorie générale de la protection juridique de la personne arrêtée [Cass. civ. I, 5 févr. 2014, n° 11-28.564 ; Bull. civ. I]

La théorie générale de la protection juridique de la personne arrêtée

Les législations spéciales des différents cas de privation de liberté convergent pour accorder à la personne un paquet identique de droits - droit à l'assistance d'un avocat, droit à un examen médical, droit à la notification des droits, droits à l'information des motifs de l'arrestation et droit de faire prévenir un tiers - généré par l'arrestation , celle-ci pouvant se définir comme le moment de la perte de la liberté individuelle de l'individu par application d'une contrainte physique [v. L. Mortet, Essai d'une théorie générale des droits d'une personne privée de liberté, th., Nancy, 2014]. Si l'exemple le plus emblématique de ce paquet tient dans les droits du suspect en garde à vue [art. 63-1 Cpp], un paquet similaire profite à l'aliéné faisant l'objet d'une hospitalisation psychiatrique forcée [art. L. 3211-3 CSP].

mardi 24 juin 2014

[obs.] Il revient au juge national d'intensifier son contrôle du bien-fondé du maintien en détention provisoire au fil du temps [CEDH, sect. III, 24 juin 2014, IONUŢ-LAURENŢIU TUDOR c. Roumanie, req. n° 34013/05]

Encore un raisonnement classique du contrôle de la Cour européenne des droits de l'Homme sur la détention provisoire dans cet arrêt, dont le mérite est d'exposer clairement les principes.


Si le placement en détention provisoire et sa prolongation sont permises pour quatre motifs, "le risque que l’accusé ne prenne la fuite [...], et le risque que, une fois remis en liberté, il n’entrave l’administration de la justice [...], ne commette de nouvelles infractions [...] ou ne trouble l’ordre public [...]" [§ 68], ces considérations d'ordre public, suffisantes au début, doivent être mises en balance par le juge national au fil de la détention provisoire par les examens"[du] profil personnel et [de la] situation familiale" du prévenu, ainsi que de "la possibilité d’adopter l’une des mesures alternatives prévues par le droit interne" [§ 70]. En l'espèce, la Cour estimait que ce contrôle plus intense du maintien en détention provisoire du juge national aurait dû s'exercer au bout de quatre mois de privation de liberté [§ 70].

Si la Cour européenne des droits de l'Homme semble se montrer plus tolérante lorsque le juge national use du risque de réitération, encore faut-il que celui-ci se réfère à des "faits concrets", les seuls antécédents ne pouvant suffire, d'autant plus lorsqu'ils concernent des chefs de gravité et de nature différents [§ 72].

[obs.] Un exemple classique de contrôle des conditions matérielles de détention par la Cour européenne des droits de l'Homme : la sanction de la surpopulation [CEDH, sect. III, 24 juin 2014, IONUŢ-LAURENŢIU TUDOR c. Roumanie, req. n° 34013/05]

L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui prohibe la torture et les traitements inhumains et dégradants, sert à la Cour européenne des droits de l'Homme pour sanctionner les conditions matérielles de détention indignes, dans un raisonnement bien établi dont l'arrêt est une illustration typique.

La surpopulation grave, caractérisée, par référence aux travaux du CPT, au confinement dans un espace pénitentiaire inférieur à 4 m² par détenu [en l'espèce, le requérant avait été détenu dans un "espace personnel" compris entre 1,20 m² et 2,35 m²], aboutit pratiquement à elle-seule à une violation de l'article 3 ["l'élément essentiel", § 48], sans que la Cour n'examine les autres critiques du requérant [celui-ci avait également dénoncé "l’absence d’aération des cellules, [les] conditions sanitaires et d’hygiène déplorables et [...] l’absence d’activités à l’extérieur des cellules", autres critères pouvant servir à caractériser à la violation de l'article 3, même en l'absence de surpopulation, en mesurant leur effet cumulatif ; § 45], ni ne se montre particulièrement rigoureuse quant à la durée du traitement [la Cour ne fixait pas précisément la durée d'application de ces conditions], ni ne cherche à le qualifier d'inhumain ou dégradant.


[obs.] Maintien des exigences limitées de la Cour européenne des droits de l'Homme sur le droit de la personne arrêtée d'être informée "dans le plus court délai" des motifs de son arrestation [CEDH, sect. IV, 24 juin 2014, PETKOV et PROFIROV contre Bulganie, req. n° 50027/08 50781/09, en angl.]

L'article 5 § 2 de la Convention européenne des droits de l'Homme consacre le droit pour toute personne arrêtée d'être informée "dans le plus court délai" des "raisons" de son arrestation.

Si la jurisprudence européenne est plutôt mince sur ce point, cet arrêt maintient les exigences limitées de la Cour quant à l'information du suspect.

Si la Cour rappelle que l'étendue de l'information ne saurait se limiter à la simple communication du visa de la base légale fondant l'arrestation [§ 61], si bien que celle-ci doit en principe également contenir les éléments de fait la justifiant, et qu'une durée de détention de vingt-quatre heures sans information ne respecte pas l'exigence de célérité posée par le texte de la Convention, elle maintient sa jurisprudence ancienne selon laquelle l'information peut être déduite par le suspect des questions qui lui sont posées lors de son interrogatoire [§ 62].

[obs.] Critique par la Cour européenne des droits de l'Homme du pouvoir discrétionnaire de la police ["the discretionary power of the police"] de placer en garde à vue [CEDH, sect. IV, 24 juin 2014, PETKOV et PROFIROV contre Bulgarie, req. nos 50027/08 et 50781/09, en angl.]

Si l'arrêt se trouve pourvu du niveau d'importance le plus faible, il nous semble se situer directement dans le mouvement de la jurisprudence européenne aboutissant à un meilleur contrôle de la garde à vue, confortant les solutions récentes, sans non plus, il est vrai, réaliser d'apport substantiel.

L'arrêt sanctionne le pouvoir discrétionnaire de la police de placer en garde à vue ["the discretionary power of the police" ; § 53], et le raisonnement de la Cour pose de manière limpide trois critères lui servant à apprécier la validité de l'arrestation et de la détention du suspect.

Deux critères ressortent du texte même de la Convention à l'article 5 § 1er-c), qui autorise l'arrestation et la détention du suspect "s’il a été arrêté et détenu en vue d’être conduit devant l’autorité judiciaire compétente, lorsqu’il y a des raisons plausibles de soupçonner qu’il a commis une infraction ou qu’il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l’empêcher de commettre une infraction ou de s’enfuir après l’accomplissement de celle-ci". D'abord, la Cour contrôle de manière classique l'existence des soupçons au moment de l'arrestation, condition faisant défaut en l'espèce [§ 46].

La Cour déduit ensuite de la même disposition un critère finaliste : l'arrestation et la détention du suspect doivent servir à conduire l'individu devant l'autorité judiciaire ["the purpose of bringing the arrested person before the competent legal authority" ; § 52]. Dès lors que la détention de vingt-quatre heures des individus n'a servi qu'à leur audition rapide après l'arrestation, sans enregistrement, l'absence d'enquête plus approfondie durant la détention exclut que celle-ci ait servi cette finalité. Ce dernier critère, à se développer, pourrait servir à sanctionner la courte garde à vue de confort, même en cas d'existence de soupçons suffisamment graves pour justifier l'arrestation [ce raisonnement avait servi à la Cour jusqu'ici pour sanctionner des gardes à vue plus longues ; v. par exemple CEDH, sect. IV, 15 octobre 2013, GUTSANOVI contre Bulgarie, req. n° 34529/10].

Enfin, la Cour, sur le fondement plus général de l'article 5, rappelle que toute privation de liberté ne peut être légitime que si elle est entourée de garanties suffisantes contre l'arbitraire. Si elle constate en l'espèce que les individus n'avaient pu bénéficier ni de l'accès à un avocat dès leur arrestation, ni d'un recours leur permettant de contester immédiatement la légalité de leur détention pour obtenir leur libération [§ 54], nouveaux vices justifiant la condamnation [§55], la Cour n'en fait toutefois pas des garanties exigées par la Convention, mais justifie leur examen par leur consécration dans la législation nationale ["in so far as the domestic law provided for some guarantees against arbitrariness"; § 54].

[biblio.] Doctrine : Mireille DELMAS-MARTY regrette l'absence de débat sur la rétention de sûreté dans la réforme pénale