dimanche 18 octobre 2015

[obs.] La légalité, le travail pénitentiaire et l’exécution des peines : les résurgences du passé [à propos de Cons. const., déc. n° 2015-485 QPC du 25 sept. 2015, M. Johny M.]


1. L’examen du champ de la légalité et de la suffisance des garanties législatives encadrant le travail pénitentiaire. C’est encore sur le pan de la légalité que le régime du travail pénitentiaire a été attaqué récemment au moyen d’une question prioritaire de constitutionnalité, et celui a été validé, une nouvelle fois, le 25 septembre 2015 par le Conseil constitutionnel [Cons. const., déc. n° 2015-485 QPC du 25 sept. 2015, M. Johny M. - Acte d'engagement des personnes détenues participant aux activités professionnelles dans les établissements pénitentiaires], après une première validation en date du 14 juin 2013 [Cons. const., déc. n° 2013-320/321 QPC du 14 juin 2013 ; D., 2013, p. 1221, obs. S. Slama ; ibid., p. 1909, F. Chopin ; Procédures, 2013, comm. 266, obs. J. Buisson]. La question de la légalité en matière pénitentiaire n’est pas anodine. Elle rappelle d’abord que le droit pénitentiaire – surtout la délimitation des droits des détenus et leur protection – a longtemps souffert d’un enchevêtrement de sources de faible valeur normative et d’un défaut de contrôle juridictionnel, notamment à cause de la théorie des mesures d’ordre intérieur. La prison n’est pas encore totalement débarrassée du défaut d’encadrement légal des libertés [on pense ici, notamment, à la liberté religieuse ; v. ci-dessous, n° 7] L’administration crée toujours ex nihilo de véritables régimes sécuritaires, dérogatoires au droit commun, qui amoindrissent les droits des condamnés [v. pour l’annulation de la note créant le régime des rotations de sécurité, CE, 29 févr. 2008, n° 308145 – v. l’avis critique du Contrôleur général des lieux de privation de liberté sur l’expérimentation du regroupement des détenus prosélytes]. Cette exception pénitentiaire ne concerne pas que les sources du droit et se retrouve aussi dans le contrôle du juge sur l’activité de l’administration, et s’il n’est plus vraiment nécessaire de rappeler les progrès réalisés en la matière [M. Guyomar, « Le juge administratif, juge pénitentiaire » ; in Terres du droit, Mélanges Jegouzo, Dalloz, 2009, p. 471], tant ils ont été mis en avant, il faut aussi rappeler que son office reste parfois inférieur à son action dans d’autres matières [v. pour le très récent abandon du contrôle limité à l’erreur d’appréciation manifeste pour le contrôle de la sanction pénitentiaire, celui-ci restant cependant dans la matière du recours en excès de pouvoir, CE,1er juin 2015, Boromée c. Min.justice, n° 380449 : Rec. CE : nos obs.]. Dans les sources comme dans son action, l'administration pénitentiaire bénéficie encore d'une marge d'appréciation, et l’intensité de la légalité intéresse toujours pour constater de sa réduction ou de son maintien, pour identifier les progrès acquis au fil du temps ou au contraire les résurgences du passé.