lundi 9 mars 2015

[veille] Épilogue quant à l'existence d'une obligation pour l'administration pénitentiaire à fournir des menus confessionnels aux détenus : rejet [CE, 25 févr. 2015, X c. Secrétariat général du gouvernent, n° 375724]

Les revendications visant à obliger l'administration pénitentiaire à fournir des repas confessionnels aux détenus ont animé la jurisprudence administrative récente. Un juge du fond avait d'abord admis cette revendication, formant même une injonction à l'administration de fournir "régulièrement" des menus composés de viande "halal" [TA Grenoble, 7 nov. 2013, M. AB c. Directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, n°1302502]. 
L'injonction avait été suspendue par le Conseil d'Etat, au terme d'une procédure rarement utilisée [CE, 16 juillet 2014, Garde des Sceaux, Ministre de la justice c/. M. B., n° 377145 ; voir ici], permettant le prononcé du sursis à exécution d'un jugement annulant pour excès de pouvoir une décision administrative, dès lors que "l'exécution de la décision de première instance attaquée risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et si les moyens énoncés dans la requête paraissent sérieux en l'état de l'instruction" [art. R. 811-17 du Code de justice administrative]. Quant à la première condition, le Conseil d'Etat a estimé que "la distribution au sein du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier de repas composés de viande "halal" imposerait des travaux d'un montant très élevé et matériellement difficiles à réaliser ou, à supposer l'approvisionnement par un sous-traitant matériellement possible, des coûts qui demeureraient élevés" et "qu'elle entraînerait des évolutions majeures dans le fonctionnement du centre pénitentiaire qui ne pourraient, en cas d'annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble, qu'être très difficilement remises en cause". Quant à la seconde condition, le Conseil d'Etat a estimé que "les moyens tirés de l'atteinte au principe de laïcité et de l'incompatibilité de la mesure ordonnée avec les exigences de la détention apparaissent, en l'état de l'instruction, comme sérieux".
Le juge d'appel avait ultérieurement annulé le jugement [CAA Lyon, 22 juillet 2014, ministre de la justice c/ M. A, req n° 14LY00113 ; voir ici], au motif que "l’administration pénitentiaire ménage [...] un juste équilibre entre les nécessités du service public et les droits des personnes détenues en matière religieuse", par le fait que celle-ci propose, en plus du menu normal, un menu "sans porc" et un menu végétarien, des menus "halal" lors des fêtes religieuses et, à la "cantine", des produits "halal" pouvant, au surplus, être achetés par les détenus.
Le Conseil d'Etat s'est enfin prononcé au fond, saisi de la demande d'annulation pour excès de pouvoir d'une décision implicite de rejet du Premier ministre concernant une demande d'abrogation de différentes dispositions réglementaires du Code de procédure pénale organisant l'alimentation des détenus en établissement pénitentiaire [CE,  25 févr. 2015, X c. Secrétariat général du gouvernent, n° 375724]. Il a considéré que "l'observation de prescriptions alimentaires peut être regardée comme une manifestation directe de croyances et pratiques religieuses au sens de l'article 9 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales", mais que les "dispositions critiquées, qui visent à permettre l'exercice par les personnes détenues de leurs convictions religieuses en matière d'alimentation sans toutefois imposer à l'administration de garantir, en toute circonstance, une alimentation respectant ces convictions, ne peuvent être regardées, eu égard à l'objectif d'intérêt général du maintien du bon ordre des établissements pénitentiaires et aux contraintes matérielles propres à la gestion de ces établissements, comme portant une atteinte excessive au droit de ces derniers de pratiquer leur religion".

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