La vétusté et
l’insalubrité des établissements pénitentiaires – donc les atteintes à sa
dignité, mais aussi, plus largement, à ses différents droits et libertés
fondamentales, comme le droit à la santé – peuvent être combattues devant le
juge administratif par l’usage d’un référé-liberté [v.
pour des actions ayant prospéré, au moins en partie, TA
Marseille, 13 déc. 2012, Section française de l'observatoire international
des prisons, n° 1208103 : AJDA, 2012, p. 2414,
obs. D. Necib, ou, s’agissant de l’appel de l’ordonnance précitée qui
n’avait accueilli que partiellement les demandes, CE,
réf., 22 déc. 2012, Sect. Fr. OIP, n° 364584 : Rec. CE ; D.,
2013, p. 1304, chron. É. Péchillon ; AJP, 2013, p.
232, obs. É. Péchillon ; JCP, 2013, n° 87,
note O. Le Bot ;ADL, 27 déc. 2012,
note S. Slama ; JCP A, 2013, n° 2017,
obs. G. Koubi ou TA
Fort-de-France, 17 oct. 2014, Sect. Fr. OIP, n° 1400673 : D.,
actu., 24 oct. 2014, obs. M. Léna ou CE,
réf., 30 juil. 2015, 392043, OIP-SF et Ordres des avocats au barreau de
Nîmes : à paraître au Bulletin – le dernier arrêt
du Conseil d’État a été rendu après un rejet des demandes formulées par le juge
du fond : TA Nîmes, réf., 17 juil. 2015, n° 1502166]
ou d'un référé mesure-utile [TA
Marseille, 10 janv. 2013, Sect. Fr. OIP, n° 1208146 : AJDA,
2013, p. 80, obs. D. Necib], afin d’obtenir des injonctions
visant à l’amélioration des conditions de détention. Ces décisions permettent
une première recension des injonctions demandées et de celles prescrites par le
juge, et le bilan reste quelque peu décevant, alors que la Cour européenne des
droits de l’Homme a considéré, dans un obiter dictum, que cette
voie des référés administratifs pourrait apparaître comme un recours national
utile pour permettre la contestation des conditions de détention indignes [v. CEDH,
sect. V, 21 mai 2015, Yengo c. France, req. n° 50494/12 ; v.
notre comm. ici].
Surtout, la dernière
ordonnance du Conseil d’État de juillet [préc.]
consacre une vision restrictive des pouvoirs d’injonction du juge administratif
saisi en référé-liberté, limités à la prescription de « mesures
d'urgence que la situation permet de prendre utilement et à très bref
délai ». En l'espèce, le juge a prononcé des injonctions qui peuvent
apparaître finalement dérisoires [prendre, dans les meilleurs délais, toutes
les mesures qui apparaîtraient de nature à améliorer, dans l'attente d'une
solution pérenne, les conditions matérielles d'installation des détenus durant
la nuit, assurer et améliorer l'accès des détenus aux produits d'entretien des
cellules et à des draps et couvertures propres, doter l'accueil des
familles d'un moyen d'alarme, demander l'autorisation de travaux pour la
modification du système sécurité incendie et réaliser un diagnostic de sécurité
sur le désenfumage de la partie hébergement homme], quand bien même il a noté
par ailleurs la situation « gravement préoccupante » de
l’établissement pénitentiaire au regard de la surpopulation y régnant.
Auparavant en juin, le
Conseil d’État s’était déjà montré rigoureux dans la matière du référé
mesure-utile, annulant l’ordonnance du juge des référés de premier degré [TA
Melun, 19 janvier 2015, OIP, n° 1410906],
qui avait enjoint à l’administration pénitentiaire de détruire le muret
de séparation dans les parloirs de l’établissement de Fresnes [CE,
3 juin 2015, n° 387683 : inédit].
Le Conseil d’État a reproché au juge du premier degré sa motivation,
caractérisant l’urgence par la violation d’une disposition du Code de procédure
pénale, « sans rechercher si
des éléments concrets, propres à l'espèce, étaient susceptibles de caractériser
l'urgence ». Le juge des référés du Tribunal administratif de Melun, à
qui l’affaire a été renvoyée, a adopté la même injonction, en
adoptant une motivation plus conforme aux exigences du Conseil d’État [TA,
15 sept. 2015, OIP, n°1410906].
Dès lors, si le référé mesure-utile n’est donc pas impropre par nature à l’obtention
de meilleures conditions de détention, le Conseil d’État veille au contrôle de
la condition d’urgence, qui ne saurait être appréciée in abstracto, par exemple du fait de la violation de la loi, mais
nécessite une caractérisation in concreto.
Finalement, cette
jurisprudence ne dessine pas de recours spécial
en amélioration des conditions de détention, le référé-liberté comme le référé
mesure-utile restant, en cette matière, soumis aux conditions de droit commun,
le Conseil d’État veillant à leur respect et à interdire toute déformation [cette approche du
Conseil d’État n’est pas sans rappeler celle qu’il suit en matière d’isolement
pénitentiaire, toujours concernant l’usage des référés ; v. sur ce point,
notre comm. ici,
in fine]. S’il y a bien un juge pénitentiaire [M. Guyomar,
« Le juge administratif, juge pénitentiaire » ; in Terres du droit, Mélanges Jegouzo, Dalloz, 2009, p. 471], il œuvre à travers
les actions de droit commun, recours en excès de pouvoir ou référés
administratifs, sans qu’il n’existe, à proprement parler, d’action pénitentiaire.