1. La
description de la réalité : le cas de l'île de Lampedusa devant la Cour
européenne des droits de l'Homme. Les
faits tels qu’établis par la Cour européenne des droits de l’Homme prennent une
reconnaissance particulière, profitant d’un éclairage international et revêtant
un caractère impartial, pour émaner d’une juridiction [au point d’ailleurs que la
question de l’établissement des faits est parfois particulièrement épineuse
pour la Cour ; v. sur la question du génocide arménien, CEDH,
gde ch., 15 oct. 2015, Perincek c. Suisse,
req. n° 27510/08 et les différentes opinions séparées]. La structure même des arrêts participe à
une mise en valeur des faits : leur description y tient une place importante,
dès lors que la Cour, en principe du moins – et parfois en apparence seulement
–, adopte une analyse in concreto, au
risque de compliquer l’analyse de la portée de ses raisonnements [relire l’arrêt Salduz]. Certains arrêts brillent pratiquement par
le seul établissement des faits [par
exemple, la description du processus de détention secrète orchestré par la CIA
est sans doute plus éclairante que la sanction d'un tel procédé,
inévitable ; v. CEDH, sect. IV, 24 juil. 2014, Al
Nashiri et Abu Zubaydah c. Pologne, req. nos
28761/11 et 7511/13], quand d’autres, s’ils présentent un véritable intérêt dans la
construction de la jurisprudence européenne, figurent par ailleurs comme des
références documentaires, facilitant l’appréhension précise d’un mécanisme de
droit étranger [par
ex., pour la description des conditions de détention en établissement
pénitentiaire américain supermax, v. CEDH, sect. IV, 10 avr.
2012, Babar Ahmad et autres c.
Royaume-Uni, req. nos 24027/07, 11949/08, 36742/08, 66911/09 et
67354/09, en angl.]. En
particulier dans la matière de la privation de liberté, l’établissement et la
description des faits sont essentiels, qu’il s’agisse d’établir l’existence d’une
détention ou d’apprécier la dignité de ses conditions matérielles. Autant dire
que la traduction du cas de l’île de Lampedusa par les requérants tunisiens devant
la Cour européenne des droits de l’Homme, sous les principes assurant le
contrôle de la privation de liberté [nous ne traiterons pas des autres aspects], intéresse d’abord pour promettre de
dresser un état des lieux précis de la réalité
des détentions subies par les étrangers à cet endroit [CEDH, sect. II, 1er sept. 2015, Khlaifia et autres c. Italie, req. n° 16483/12]. Mais l’arrêt comprend en plus de
nombreux apports juridiques. Son « importance […] dépasse de
loin le cas des trois requérants. Même s’il concerne des faits se situant dans
une période spécifique du passé, du 17 au 29 septembre 2011, ses enseignements
sont d’une actualité brûlante » [extrait
de l’opinion partielle dissidente du Juge Lemmens].
Un carnet de recherches. Ce blog a vocation à diffuser des informations juridiques glanées au cours de mon travail de veille, à réaliser de la vulgarisation, à introduire les axes de mes recherches ou encore à participer à la mise à jour de mes travaux précédents dans le domaine de la privation de liberté. Ce blog juridique est bien un carnet de recherches et son contenu un simple complément à mes quelques "travaux académiques".
mercredi 11 novembre 2015
[obs.] La détention des étrangers sur l’île de Lampedusa : la réalité et les droits de l’Homme [à propos de CEDH, sect. II, 1er sept. 2015, Khlaifia et autres c. Italie, req. n° 16483/12]
Libellés :
[obs.],
3 CEDH,
5 § 1er CEDH,
5 § 1er-f) CEDH,
5 § 2 CEDH,
5 § 4 CEDH,
CEDH,
conditions matérielles de détention,
définition,
dignité,
étranger,
légalité,
nécessité,
preuve,
recours à bref délai
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